Les jeunes au cœur de la recherche sur le cancer pédiatrique
Publié sur : novembre 4, 2025
Quand on pense à la recherche, on imagine souvent des sarraus de laboratoire, des graphiques de données et du jargon scientifique écrits dans des protocoles denses. Ce que nous imaginons rarement, c’est un adolescent qui a survécu à un cancer et qui explique aux chercheurs ce qu’est la guérison, ou un jeune qui nous rappelle que le réconfort commence parfois par de simples mots gentils. Pourtant, ce sont des voix comme celles-ci qui peuvent rendre la science du cancer pédiatrique plus humaine, plus pertinente et, en fin de compte, plus efficace.
« J’étais dans un camp de réfugiés lorsque je suis tombée malade du cancer pendant la pandémie, » se souvient Anoushka Mabika, jeune survivante du cancer et patiente partenaire. « En raison des restrictions, ma famille n’a pas pu être à mes côtés à l’hôpital. Lorsque j’ai appris que j’avais un cancer au cerveau, j’étais seule et terrifiée, sans personne pour me tenir la main. C’était une expérience douloureuse que je ne souhaite à personne de vivre. Aujourd’hui, je suis mentor auprès d’autres enfants atteints de cancer, parce que cela les aide à envisager leur avenir. J’aurais aimé savoir qu’il y avait d’autres personnes comme moi à l’époque, des personnes qui comprenaient ce que je vivais. »
L’histoire d’Anoushka rappelle que la recherche ne concerne pas seulement la science de la maladie, mais aussi l’humanité de la guérison. Les expériences vécues par des jeunes comme elle offrent des perspectives qu’aucun ensemble de données ne peut saisir et peuvent révéler des lacunes que les chercheurs risquent de négliger, qu’il s’agisse de la manière dont les horaires de traitement perturbent les amitiés ou de la façon dont l’environnement d’un hôpital influe sur la motivation et l’espoir. Ces perspectives ont le pouvoir de transformer la façon dont la recherche et les soins sont imaginés, conçus et menés.
Trop souvent, les enfants et les adolescents sont traités comme des spectateurs dans leurs conversations sur leur propre santé. Les médecins parlent aux parents. Les chercheurs conçoivent des études sur les jeunes, mais rarement avec eux. Pourtant, personne ne comprend mieux la réalité vécue de la maladie que ceux qui l’ont endurée. Impliquer les jeunes en tant que véritables partenaires, et non comme sujets ou participants, peut faire évoluer la recherche, qui ne portera plus uniquement sur les patients, mais sera menée pour eux et avec eux. Lorsque les jeunes sont engagés tôt et de manière significative, ils aident à s’assurer que les questions de recherche, les interventions et les résultats reflètent ce qui compte vraiment pour les enfants et les jeunes vivant avec le cancer.
« Ils portent à la fois les cicatrices et la sagesse de l’expérience — et lorsqu’ils sont invités dans des espaces de recherche, ils ne se contentent pas de participer, ils contribuent à les transformer, » explique Ghislaine Rouly, porte-parole et survivante de trois cancers, patiente partenaire et co-directrice de la Chaire de recherche du Canada sur le partenariat avec les patients et les communautés.
Ce changement, qui passe de l’étude des jeunes à la collaboration avec ces derniers, redéfinit ce qu’est une recherche significative. Faire participer les jeunes à la recherche n’est pas un acte symbolique; c’est une pratique essentielle qui renforce la qualité, la pertinence et la confiance dans la science. « Cependant, pour faire participer les jeunes à la recherche de manière significative, il faut créer un troisième espace : un lieu de rencontre où le monde de la médecine et celui de l’expérience vécue sont sur un pied d’égalité, » explique Gwenvaël Ballu, coordonnatrice du projet. Cela signifie qu’il faut sortir des salles de réunion pour aller au feu de camp, dans les lits superposés et dans les conversations autour de la table de cuisine. Ça veut dire écouter pour apprendre.
« Lorsque des personnes qui ont vécu le cancer sont invitées dans la salle, la recherche elle-même commence à changer, » explique Jacob Randell, PWLE et patient partenaire. « Il s’agit moins de résultats théoriques que de ce qui importe vraiment aux patients et à leurs proches. » Les petites idées des jeunes peuvent conduire à de profonds changements : une chambre d’hôpital réaménagée pour apaiser la peur, ou une question de recherche remaniée pour inclure le rétablissement émotionnel en parallèle avec la survie.
Le réseau ACCES est le résultat direct du plaidoyer des patients et des familles pour répondre aux préoccupations croissantes de la communauté du cancer pédiatrique. En s’appuyant sur cette base, le projet Faire progresser la recherche inclusive dirigée par les jeunes : recherche-action participative vise à mobiliser les connaissances les plus récentes sur la recherche-action participative inclusive afin d’impliquer les jeunes atteints de cancer en tant que co-chercheurs et agents de changement. Le projet vise à harmoniser les priorités et les passions des jeunes, à créer une communauté de jeunes patients partenaires qui orientent la recherche, à soutenir les projets prioritaires pour les patients et à encourager les jeunes communicateurs scientifiques. En faisant participer directement les jeunes, cette initiative renforce la capacité du Canada à mener des recherches inclusives et participatives en oncologie pédiatrique et garantit que la science reflète la réalité de ceux qu’elle sert.
Pour soutenir les chercheurs et les cliniciens souhaitant intégrer de manière significative les jeunes dans leur recherche, l’équipe du projet a mis au point une Boîte à outils d’engagement des jeunes en recherche. Cette ressource offre des conseils pratiques, des exemples et des modèles pour aider les chercheurs, les cliniciens et les patients partenaires à entamer ou à approfondir leur collaboration avec les jeunes. Elle sert de point de départ à la création de projets qui ne se contentent pas d’étudier les expériences des jeunes, mais qui sont façonnés par elles.
Le Dr Antoine Boivin, médecin de famille, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en partenariat avec les patients et les communautés, et co-chef de cette initiative, a partagé : « J’ai vu un jeune survivant du cancer se tenir devant une salle de scientifiques chevronnés et, sans aucune note, leur enseigner ce que signifie vivre avec le cancer. Leur engagement modifie les questions que nous posons et l’avenir que nous imaginons. »
L’engagement des jeunes n’est pas un aspect « secondaire » de la science, c’est vraiment le cœur de son existence. Parce que parfois, l’expertise la plus importante ne vient pas des manuels, mais de la détermination de ceux qui ont vécu l’histoire et sont prêts à écrire le prochain chapitre.